Architecte naval, navigateur, travailleur humanitaire au sein de Médecins Sans Frontières, et bientôt explorateur, Vincent Grison multiplie les challenges et se lance dans des projets toujours plus ambitieux. Son prochain défi ? Rejoindre le Pôle Nord en solitaire et sans assistance motorisée…
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Emmanuel : Bonjour Vincent, tu te lances aujourd’hui un nouveau défi qui est de rejoindre le Pôle Nord sans assistance motorisée et en solitaire. Comment as-tu eu cette idée?
Vincent Grison : Cette idée n’est pas arrivée d’un coup, elle a été construite au cours du temps. Je pense que ça fait à peu près six ans qu’elle existe dans ma tête.
Au début, c’était le contact avec un explorateur qui me demandait de travailler en tant qu’architecte naval sur son projet. Finalement, il a décidé de ne pas faire cette aventure parce que ça demandait des compétences en tant que naviguant qui était un peu trop élevées par rapport à ce qu’il savait faire.
De mon côté, je me suis dit “Pourquoi pas moi? Pourquoi pas faire un truc comme ça? Ça pourrait me correspondre.” Mais, j’avais d’autres projets de navigation notamment, et ça a un petit peu disparu de ma tête à ce moment là. C’est plus tard, quand j’ai eu un peu plus de temps, que j’ai eu plus d’expériences aussi en tant que navigateur et comme gestionnaire de projet, que j’ai commencé à travailler sur des projets dans le secteur arctique, que le projet s’est reconstruit plus précisément sur un aller-retour au Pôle Nord. Je voulais construire un projet éducatif sur la thématique de la protection de l’environnement et du réchauffement climatique, d’où les contraintes sur l’absence de motorisation. Finalement, ça s’est transformé en un aller-retour Pôle Nord en solitaire parce que jusqu’alors les projets que j’avais réalisés dans la voile étaient des projets en solitaire et que ça marchait très bien.
Emmanuel : Est-ce qu’il y a eu un moment où tu as eu un déclic? Où tu as transformé cette idée en véritable projet ?
Vincent Grison : L’idée était sur un bout de papier et je n’en avais pas parlé à grand monde encore. J’ai alors monté un dossier de présentation et j’ai passé un premier coup de fil à une agence de communication rennaise. Je me disais que si je voulais que ce projet se réalise, je devais aller voir une agence de communication, proposer le projet et voir quels étaient les retours et pourquoi pas en faire un partenaire de l’expédition. Je prends l’annuaire, je prends la première agence de com et je suis allé là bas. C’était une très très grosse agence de Rennes qui s’appelle Rivacom et j’ai été reçu par quelqu’un qui a été super positif sur le projet. Il a trouvé ça génial et m’a dit que ça marcherait. Il était vraiment très très positif.
Et ça m’a beaucoup conforté dans mon idée que ce projet était réalisable et je me suis dit que c’était une bonne idée.
Après nous n’avons pas continué à bosser ensemble, mais c’était le premier retour qui était très positif qui a fait que je n’ai pas hésité un seul moment à mettre beaucoup d’énergie dans le projet. Ça aurait pu être différent si ce retour avait été négatif, ça aurait mis beaucoup plus de temps à se lancer. Ça m’a permis de vraiment décoller très tôt et d’avoir beaucoup de confiance en moi sur l’initiation du projet.
Emmanuel : Tu parles justement de confiance en soi. Tu me racontais juste avant qu’on commence l’interview que tu venais d’apprendre qu’un de tes sponsors ne te suivrait pas pour cette aventure. Comment as-tu fait pour surmonter ce coup dur ?
Vincent Grison : J’ai appris ça mardi matin dernier. C’était un partenaire avec qui on était en discussion depuis assez longtemps, un gros partenaire financier. Et, mardi matin, j’apprends par un échange assez rapide que l’aventure s’arrête là. Ça met tout le projet d’expédition sur la sellette pour une réalisation rapide.
Ça m’a fait un gros coup au moral. Alors, qu’est ce que je fais? Déjà, je décide de courir pour remettre les choses à plat et éviter de penser à ça sans que ça avance.
Ensuite, l’après midi, ça s’est transformé un petit peu en euphorie parce que je me suis dit : “Bon, c’est une opportunité qui se présente de voir le projet différemment, de penser différemment”. Cette option avec ce partenaire est née assez vite. Je ne voyais plus que ça, que cette solution là, et c’était aussi des portes fermées pour d’autres, d’autres opportunités de collaboration. C’était un peu la voie facile. Et puis, je m’étais préparé en amont. Quand on mène ce genre de projet, on n’est jamais sûr que ça marche jusqu’au moment où le partenariat se fait, que l’expédition se fait et que tout le monde est content. Mais voilà, j’avais quelques espoirs sur ce partenariat là.
La conséquence directe, c’est la charge de travail qui augmente parce qu’au moment où on doit se concentrer sur la préparation physique, la construction d’un bateau, on se retrouve à chercher des sous…
Mais il y a quelque chose de grisant et plein d’adrénaline! C’est une difficulté de plus. Mais, la victoire ne sera que plus belle si on arrive à la surmonter.
Emmanuel : Qu’est ce que tu a appris récemment qui a marqué?
Vincent Grison : J’ai appris dans un documentaire Arte que l’Homme était insignifiant à l’échelle de l’univers. Il y a plein de choses que l’on apprend dans notre vie, des choses très simples et qu’on désapprend très vite, qu’on perd de notre champ de vision, et voilà, on se laisse porter par le flux. Ce sont des choses très simples qui, quand on les garde en mémoire, change notre façon d’être par rapport à nous-mêmes, par rapport aux autres, par rapport à l’environnement.
Ce genre de choses, ça m’apporte beaucoup. Je suis insignifiant par rapport à l’univers. Qui suis-je par rapport à l’autre? Qui suis je par rapport à l’environnement? Quel est mon impact? Je suis tout petit, mais j’ai quand même un impact. Ça m’amène à avoir en permanence conscient de qui je suis et de ce que je fais.