Il arrive parfois, souvent que ce soit les élèves qui fassent la leçon aux professeurs et non l’inverse. Ne voyant pas au nom de quoi je devrais être le seul à en bénéficier, je me permets de vous partager une leçon que les élèves m’ont apprise cette année.
Un jeudi quelconque. 13h45. Classe de CM2 : Les élèves sont installés calmement sur leur chaise et la plupart d’entre eux sont attentifs à ce que je vais dire. Certains essaient de déchiffrer le programme de la journée écrit en cursive hiéroglyphique au tableau. J’annonce « Nous commençons l’après-midi par de la science », leur évitant ainsi de sortir leur pierre de Rosette pour parvenir à déchiffrer mon écriture. Je leur demande de sortir leur cahier et leur rappelle comment nous allons procéder. On commence par se poser une question, puis émettre des hypothèses, ensuite tester et observer avec des expériences, enfin conclure.
Ces principes étant rappelés, voici la question du jour: que trouve-t-on dans la nature? Environ la moitié de la classe lève la main pour me faire une proposition. C’est un très bon ratio, cela veut dire que la question les intéresse… Comme d’habitude lorsque beaucoup d’élèves veulent prendre la parole, j’interroge un élève discret qui participe peu… Je m’attends à entendre : des animaux, des arbres, des pierres… Mais, voici la réponse qu’il me donne : des déchets!!
Je suis resté bouche bée. Heureusement, j’ai pu reprendre le cours normal de la séance, interroger des enfants aux réponses plus classiques, puis grouper les réponses entre faune et flore en n’oubliant pas de rajouter un élément auquel je n’avais pas prévu : activités humaines…
Quelques semaines plus tard, situation identique (vous connaissez la chanson maintenant…) : Jeudi, 13h45, sciences, cahier, question, hypothèse, expérience, conclusion… et retour à la question : Pourquoi le niveau des océans augmente-t-il? Après avoir expliqué que ce n’était pas à cause de la fonte de la banquise (non, non, je ne suis pas climato-sceptique), j’interroge une élève : « C’est parce qu’on jette nos déchets dans la mer, à force ça monte. » Pas mal comme idée ! À 80 000 tonnes par an de déchets rejetés dans la mer (pas dans le monde, non, rien que pour la France!), j’imagine que je pouvais difficilement lui donner tort, même si je gardais cette statistique effrayante pour moi…
Quelques jours plus tard : Je demande aux élèves de répondre à la question : “quel est votre rêve ?” Parmi la ribambelle de futurs YouTubeurs et autres Kylian Mbappé, un élève écrit : Mon rêve, c’est un monde sans pollution…
Mon rêve, c’est un monde sans pollution !!
Dans chacune de ces situations, j’ai ressenti un profond malaise. Face à ces enfants, j’étais le seul à avoir ma part de responsabilité sur l’état dans lequel se trouve notre planète… Je ne pouvais pas me complaire en me disant que de toute façon je faisais déjà plus que mon voisin et que c’était déjà bien assez… non, j’étais tout seul face à nos enfants… Au delà de mon malaise, je me demande ce qu’ils vont répondre dans 20 ans à cette fameuse question « quel est ton rêve ? ».
Comment faire pour que nos enfants puissent continuer à vivre des rêves basés sur autre chose que les déchets que nous leur laissons ? Comment pouvons nous, allons-nous contribuer individuellement, localement, collectivement, globalement à construire le monde tel qu’il devrait être ?